De COP en rapports du GIEC, d’aléas météorologiques en crises énergétiques, le développement massif des énergies renouvelables (ENR) est désormais une évidence. Parmi ces ressources, le bois énergie (BE) occupe une place importante.

Première source d’énergie renouvelable en France (plus du tiers), il est au centre de tous les senari de transition énergétique. Notamment parce qu’il permet de générer de la chaleur. Considéré comme neutre en carbone puisque l’arbre le séquestre pendant sa croissance par la photosynthèse, il est un substitut idéal aux énergies fossiles.Remplacer le gaz et le fioul par le bois énergie est-il si simple ?

Énergie ancestrale, énergie singulière

 

  • Issue de la forêt

Le BE est une ressource qui provient pour une large partie directement de la forêt : en 2022, seuls 16% de la production de BE sont issus de la valorisation des déchets industriels (Valade & Bellassen, 2020). Or, la forêt est largement impactée par le changement climatique : les chiffres varient, mais la mortalité des arbres associée au réchauffement climatique est conséquente (effets cumulés des hausses de températures, incendies, sécheresse, ravageurs exogènes …). La quantité de la ressource sera donc dépendante des aléas climatiques.

  • Au pas de temps significatif

De plus, le pas de temps du renouvellement de la forêt est tout à fait différent de l’énergie solaire, éolienne ou géothermale. Contrairement aux autres ENR, la ressource en bois énergie dépend de l’usage.  Au-delà d’une certaine quantité prélevée, le BE ne peut plus être considéré comme renouvelable. L’énergie solaire, par exemple, ne dépend pas du nombre de panneaux photovoltaïques installés.

  • Et à la neutralité carbone questionnée

Par ailleurs, la neutralité carbone de cette ressource est remise en cause. Longtemps considérée comme neutre, les études récentes montrent que le bilan carbone de cette ressource dépend fortement des usages sylvicoles (coupe rase, éclaircissement, exploitation de forêts surmatures) (Valade & Bellassen, 2020).  D’une manière générale, une augmentation accrue de l’exploitation de la ressource aboutit à un bilan carbone davantage négatif que le « business as usual ». Plus encore, une exploitation massive augmentera les émissions de gaz à effet de serre. Ceci, a minima, pour les 3 décennies à venir ; ce qui est contraire aux recommandations du GIEC pour espérer tenir le scénario + 1,5°C (2020).

Enfin, deux autres éléments singularisent le BE. Il s’agit d’une énergie en compétition avec d’autres usages : papèterie, panneaux de construction… (Dehez & Banos, 2017). Il constitue également une ressource dont la demande dépasse les frontières nationales. Avec une balance commerciale négative, la tentation de l’exporter peut être grande.

 

Ainsi, le bois énergie se distingue des autres ENR par de nombreuses caractéristiques. Parce qu’il provient d’une ressource « renouvelable » singulière, il nécessite une gestion et une approche spécifiques. Or, celles-ci sont loin d’être évidentes. Les contraintes rencontrées sont susceptibles de produire un effet contraire à la réduction des émissions de gaz à effet de serre souhaitée.

 

Difficultés pour une gestion cohérente

 

La récente augmentation de la demande en bois énergie s’accompagne de l’émergence de tensions entre les acteurs forestiers et énergétiques. Les premiers souhaitent une utilisation mesurée dans des chaufferies de faible puissance. Les énergéticiens, quant à eux, militent pour des génératrices importantes permettant de répondre à leurs besoins (Tabourdeau, 2015).

 

De multiples cadres de lecture

Tabourdeau décrit également le changement de statut de la forêt lié à cette évolution. Il décrit la menace qu’il représente sur la hiérarchie des usages forestiers, mettant fin à deux siècles de gestion forestière »apaisée« . Avec les évolutions récentes et la prise de conscience du réchauffement anthropique du climat, le statut de la forêt ne se retrouve pas uniquement pris entre une lecture énergétique et forestière. Il convient d’y ajouter les lectures climatiques, environnementales et territoriales.  Chaque cadre de lecture à son langage, sa culture qu’aucune cohérence politique ne vient cimenter.

Qui nuisent à une approche systémique cohérente

Comment dès lors réussir à bâtir une gestion cohérente de la ressource ?

« Le souci n’est pas d’activer une potentielle ressource énergétique, mais de la faire fonctionner avec l’ensemble des services écosystémiques » : un défi fort pour notre intelligence collective.

Face aux nombreux services écosystémiques rendus par la forêt, et au regard de sa singularité, ne faut-il pas, à l’image de la ressource en eau (également une source d’énergie), considérer la forêt comme un bien commun ?

Sachant que 75% des espaces forestiers sont privés, comment de ce fait ne pas questionner la propriété individuelle ?

 

La forêt, génératrice de services en chaîne ?

Le bois énergie est une ressource qui se distingue des autres ENR par de nombreux aspects. Il nécessite une gestion cohérente et efficace. Les difficultés sont importantes et mettent à l’épreuve notre intelligence collective. Saurons-nous trouver la bonne approche pour mettre en valeur la ressource, lui accorder une place centrale dans la transition énergétique tout en améliorant les services écosystémiques qu’elle apporte ?

Rêvons un peu

La forêt est plus proche de nous. Sa sur-exploitation est tangible pour les citoyens comme pour les acteurs économiques (qui voient leurs coûts augmenter à mesure que la distance à parcourir est importante). Se peut-il, dans ces conditions, que nécessité face loi et ouvre la porte à une approche systémique cohérente de sa gestion ? Approche qui, lors de sa construction, emporterait nécessairement une partie de la propriété privée et favoriserait l’apparition d’une nouvelle définition du bien commun.

Il s’agirait alors d’un nouveau service que la forêt nous rend, venant s’ajouter à ceux qu’elle nous apporte depuis la nuit des temps.

 

Mots clefs : bois énergie, forêt, neutralité carbone, bilan carbone, forêt

Voir aussi la séquestration carbone des sols

 

Sources :

Dehez, J., & Banos, V. (2017). Le développement territorial à l’épreuve de la transition énergétique Le cas du bois énergie. Géographie, économie, société, 19(1), 109‑131. https://doi.org/10.3166/ges.19.2017.0005

Tabourdeau, A. (2015). Entre forêt et énergie : Composer la transition : Le cas du bois-énergie en Auvergne et Rhône-Alpes.

Valade, A., & Bellassen, V. (2020). Réchauffement du climat : Est-ce que la forêt française peut apporter des solutions d’ici 2050 ?: Sciences Eaux & Territoires, Numéro 33(3), 70‑77. https://doi.org/10.3917/set.033.0070

 

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