La croissance verte : une théorie qui nous arrange bien

La croissance verte est fréquemment présentée comme une réponse des pays développés au problème des émissions carbone. Elle est devenu un objectif a été adoptée dans les agendas politiques de nombreux pays.

Ce narratif a aussi été adopté dans la plupart des cercles politiques et instances internationales :

  • L’OCDE a adopté l’objectif de découplage dans la Startegy towards Green Growth (2011)
  • La Commission Européenne, qui dans son 6ème Environment Action Programme (Environment 2010 : Our future, our Choice), a annoncé l’objectif suivant : “break the old link between economic growth and environmental damage”
  • L’ONU prône une stratégie de croissance verte dans l’objectif de “significantly reduce environmental risks and ecological scarcities.” En 2015, le découplage est d’ailleurs officiellement devenu un objectif spécifiques des ODD (Objectifs de Développement Durable).

Mais un pari impossible : découpler l’augmentation du PIB aux émissions de CO2

La croissance verte repose sur la théorie d’un découplage absolu, permanent, global, à grande échelle et suffisamment rapide entre la croissance économique et les pressions environnementales.

Or, il est hautement improbable que l’on atteigne dans le futur un découplage qui permette de continuer la croissance économique pour les 7 raisons suivantes :

  • L’augmentation de l’utilisation des ressources en énergie : nous avons déjà épuisé les ressources les plus accessibles donc il faut aller chercher toujours plus loin, ce qui fait baisser le taux de rendement énergétique
  • L’effet rebond : l’efficacité énergétique est compensée par une réallocation des ressources économisées pour plus de consommation : c’est ce que l’on nomme le  « paradoxe de Jevons ».
  • Le « problem shifting » : des solutions technologiques peuvent créer ou exacerber des pressions, par exemple les voitures électriques sur des métaux comme le lithium et le cuivre
  • L’impact sous-estimé du secteur tertiaire : toute activité repose nécessairement sur une matérialité donc l’impact des services ne se substitue pas à celui des biens mais il s’y additionne
  • Le potentiel limité du recyclage
  • Le changement insuffisant et inapproprié des technologies : les innovations ne sont qu’incrémentales, dû à l’inertie
  • Le « cost shifting » : les mouvements d’externalisation et de délocalisation ne font que déplacer le problème

Et aucune étude empirique qui ne valide le modèle…

Aucune étude ne plaide en faveur du découplage, comme celle présentée dans l’article Is green growth happening ? : An empirical analysis of achieved versus Paris-compliant CO2–GDP decoupling in high-income countries qui a été menée sur  36 pays à haut niveau de revenu, parmi lesquels 11 ont expérimenté un découplage absolu entre 2013 et 2019. Or, il s’avère qu’aucun d’eux ne se place dans la trajectoire de l’accord de Paris pour respecter les 1,5°C.

En moyenne, les 11 pays en question mettraient 223 ans pour réduire de 95% leur émissions respectives en 2022 et ils utiliseraient 162 fois leur budget carbone restant.

Leurs taux de réduction observés, de 1,6% par an en moyenne, sont très insuffisants : il faudrait des taux de 35% par an d’ici 2025 et même 38% d’ici 2030 our atteindre les objectifs carbone. On estime que les pays de l’étude devraient multiplier leur taux de découplage par un facteur 10 d’ici 2025 et 12 d’ici 2030 (dans le scénario des 1,5°C).

L’augmentation drastique des taux de découplage, même dans les pays les plus performants, pour atteindre l’objectif de 1,5°C semble être empiriquement hors de portée.

En conclusion, la croissance verte, soit l’augmentation continue du PIB parallèlement à la baisse des émissions de CO2e, ne permet pas aux pays développés d’atteindre leurs objectifs fixés par les accords de Paris.

 

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