Pourquoi la croissance ne doit plus être perçue comme une finalité ?

La critique de la croissance repose sur trois piliers. D’abord sur une raison écologique car, qu’on le veuille ou non, la taille des économies des pays du Nord (et encore moins leur croissance) est incompatible avec les limites planétaires : entre ralentir ou périr, il faut choisir ! C’est aussi pour une raison sociale puisque, même si nous vivions dans un monde aux ressources illimitées, la poursuite effrénée de la croissance et la marchandisation du monde poserait tout de même problème. Derrière l’économie mesurée par le PIB se cache la « sphère de la reproduction », une économie de l’entraide, du bénévolat, de l’associatif, des communs, du non-lucratif… Dans un monde où nos efforts et notre attention sont limités, maximiser la croissance revient à privilégier l’économie de l’argent à cette économie sociale et solidaire. Enfin, même s’il n’existait aucune limite écologique et sociale à la croissance, celle-ci resterait inutile dans un pays comme la France où le bien-être ne dépend plus du revenu par habitant.

Pourquoi la croissance est-elle incompatible avec une baisse de la pauvreté ou une amélioration du bien-être ?

Il faut voir la croissance comme une agitation de certaines activités économiques, principalement des activités marchandes. Pour certains économistes, elle est synonyme de plus d’emploi, de plus de pouvoir d’achat, de moins de pauvreté. Mais ces liens sont en réalité beaucoup plus complexes qu’il n’y paraît. L’économie française est en croissance mais la pauvreté augmente et le chômage ne disparaît pas. Il faut abandonner l’idée du PIB comme un bouton magique qui viendrait résoudre tous nos problèmes. La croissance comme solution est avant tout une croyance, une sorte de père Noël des économistes !

Vous considérez de la même façon que la croissance verte relève du mythe ?

Oui, la croissance verte est un mythe. C’était déjà ma thèse en 2019, et personne n’a réussi jusqu’à aujourd’hui à me montrer que j’avais tort. La « théorie » de la croissance n’est qu’une hypothèse sans preuves empiriques et sans fondations théoriques ; il faudrait aujourd’hui la considérer falsifiée pour aller de l’avant en arrêtant d’espérer que l’économie vienne un jour magiquement se verdir.

À quoi ressemblerait une société de la post-croissance ?

Dans le livre, je définis la post-croissance comme une économie stationnaire en harmonie avec la nature où les décisions sont prises ensemble et où les richesses sont équitablement partagées afin de pouvoir prospérer sans croissance. La décroissance est une transition, une sorte de grand régime de l’économie, avec toutes les transformations institutionnelles qui vont avec. Alors que la post-croissance est une destination : un modèle économique alternatif, non plus centré sur la poursuite d’une croissance exponentielle du PIB, des profits, et des revenus, mais plutôt motivé par la satisfaction de besoins concrets et la poursuite du bien-être.

Pour construire cette économie, il ne suffit pas de mettre l’économie d’aujourd’hui en pause, sorte de 1-2-3 soleil du capitalisme, ou bien même de rétrécir sa taille. Il faut repenser les règles et l’objectif du jeu économique. Il y a toute une économie à inventer. Cela demandera tout une panoplie d’instruments : coopératives à lucrativité limitée, monnaies locales, budgets participatifs, jardins partagés, réseaux de réciprocité, indicateurs de bien-être, interdiction de la publicité, garantie de l’emploi, fermeture partielle des marchés financiers, revenu de transition, salaire maximum, taxation progressive des richesses, quotas carbones, etc.

Comment les entreprises, peuvent-elles s’emparer du sujet ?

Le nerf de la guerre : abandonner la poursuite de la lucrativité. La recherche effrénée des profits est aujourd’hui un obstacle à la transition écologique, et cette logique du « grow-or-perish » n’est absolument pas compatible avec l’idéal d’une économie harmonieuse et parcimonieuse dans un régime de post-croissance. Graduellement, il va falloir transformer toutes nos entreprises en coopératives à lucrativité limitée, suivant le modèle des Sociétés Coopératives d’intérêt collectif (Scics). La plupart des entreprises doivent s’ancrer dans des territoires, se démocratiser, souvent réduire leur taille afin de pouvoir fonctionner démocratiquement et, je le répète : abandonner cette obsession pour la valeur financière.

 

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