Vous avez probablement déjà croisé le terme l’écoanxiété, concept récent accentué par le traitement médiatique croissant des questions climatiques. S’il traduit un vrai malaise ressenti très largement par les individus (surtout les jeunes), il n’est pas sans susciter de nombreuses critiques qui pointent du doigt une délocalisation du sujet et une individualisation malsaine du problème.
Etes vous écoanxieux? selon le Rapport du Conseil économique, social et environnemental (Cese) sur l’état de la France 2023, vous faites peut-être partie des personnes touchées par l’écoanxiété. Ce rapport révèle que 80 % des Français s’inquiètent pour le climat.
Ecoanxiété: de quoi parle-t-on?
Apparu en 1997 avec la chercheuse en santé publique Véronique Lepaige, le terme d’éco-anxiété décrit un type d’angoisse particulier que nous ressentons devant la menace climatique et surtout face à l’incapacité d’agir contre. L’angoisse ou l’anxiété peuvent se traduire par des émotions différentes comme la peur ou la tristesse et plus souvent la colère induite par le constat de l’insuffisance des actions en faveur de la planète. On se souvient tous du discours de Greta Thunberg en 2019 devant l’ONU et de son fameux « How dare you?« . Un vrai cri du cœur où elle a exprimé sa colère et son indignation : « Comment osez-vous ? Vous avez volé mes rêves et mon enfance avec vos paroles creuses. »
Retour sur ls causes d’un mal-être grandissant
Interrogés sur les causes de leur écoanxiété, les répondants évoquent majoritairement la peur de l’avenir dans une planète de moins en moins habitable et avec des conditions de vie de plus en plus difficiles. Inondations, canicules, sécheresse, raréfaction des ressources, vagues migratoires massives: autant de raisons pour voir l’avenir en noir. Les plus jeunes évoquent leur difficulté à se projeter; les jeunes parents s’inquiètent pour l’avenir de leurs enfants et l’état de la planète dont ils héritent.
L’écoanxiété serait par ailleurs accentuée par l’abondance de l’information sur le changement climatique et une couverture médiatique constante sur le sujet. Certains parlent de « surinformation » qui créerait un climat anxiogène, dans le quel il est difficile d’échapper aux mauvaises nouvelles liées aux impacts néfastes du dérèglement climatique. Les termes « effondrement » ou « extinction » par exemple, souvent associés à cette thématique, sont particulièrement perçus comme angoissants et déprimants.
Une tendance devenue lucrative
Difficile d’échapper aujourd’hui à ce nouveau terme. On en parle partout: dans les médias, sur les réseaux sociaux, dans les conférences, et même avec son thérapeute! Et pour cause, le mot est devenu viral et le concept une vraie tendance sur laquelle les créateurs de business n’ont pas tardé à surfer. « Selon un rapport de la Fondation Jean Jaurès, en 2018, en France, un seul article dans la presse écrite mentionnait cette expression. En 2019, on en comptait 108, et près de 150 en 2021″.
Un cortège de consultants, d’auteurs et de thérapeutes nous exhortent à suivre « un chemin intérieur », à gravir « l’échelle de conscience » pour passer du déni à l’apaisement, « guérir notre âme » et « se réconcilier avec la situation »
Un vrai business s’est construit autour de cette angoisse: des stages de développement personnel, des thérapies, des réunions collectives, des consultations individuelles, etc. Les recettes ne manquent pas d’imagination pour nous aider à « aller mieux » et à « apaiser nos angoisses intérieures ».
Un concept décrié par les militants écologistes
Outre la mercantilisation du concept, beaucoup de militants et d’activistes écologistes le rejettent . Il s’agit pour eux d’une délocalisation du problème: on individualise la problématique au lieu de pointer les défaillances du système. « On transforme en pathologie un sentiment tout à fait normal et sain, explique le chercheur en sciences sociales Thierry Ribault. Car la colère et l’angoisse sont bien utiles voire essentielles pour mobiliser les personnes et passer à l’action.
Il ne s’agit pourtant pas de dénier la réalité des émotions que suscite la crise écologique, mais plutôt de questionner l’effet de la focalisation sur l’écoanxiété dans un but de « dépolitiser » ou de « psychologiser » des enjeux climatiques. Le journal Reporterre reprend les déclaration de la sociologue Léna Silberzahn:
« On délocalise les problèmes vers les individus et l’on traite l’écoanxiété comme une névrose personnelle, alors que la source de ces problèmes se trouve dans les rapports de production capitaliste et dans l’inertie des États. On développe une approche thérapeutique dans le but de soigner les individus alors que c’est le système qui est malade ».
Dans un article paru sur le site de l’ Observatoire de la jeunesse, du sport, de la vie associative et de l’éducation populaire, on critique la dimension individuelle que revêt l’écoanxiété et qui détourne le regard sur ce qui pose réellement problème. Selon Laurent Lardeux, auteur de l’article, « elle témoignerait de ce point de vue d’un individualisme exacerbé où l’intérêt personnel primerait sur l’intérêt collectif ».
La solution c’est l’action !
Qu’elle soit individuelle ou collective, l’action est le meilleur remède contre la montée de l’angoisse. Car l’action nous permet d’investir notre énergie et nos ressources et de dépasser notre propre cercle de projection. C’est aussi le moyen de s’engager auprès d’autres personnes partageant les mêmes préoccupations et les mêmes besoins. Et la synergie des initiatives fait très souvent naître de très belles actions. A bon entendeur !
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