Le phénomène du complotisme décomplexé dans le débat public, une stratégie des extrêmes pour imposer une version alternative des faits.
La diffusion des récits climatiques par les réseaux complotistes
En 2019 et 2020, l’Australie a connu une saison de feux de brousse sans précédent, dont les répercussions sur la faune, la flore et la vie humaine ont été immenses. Et si le bilan de ces incendies de végétation est effrayant, leur cause l’est tout autant : c’est bien le réchauffement climatique d’origine humaine qui a provoqué ces feux, les rendant plus fréquents et plus importants. Le Bureau météorologique d’Australie avait précédemment signalé l’augmentation récente des températures dans le pays, anticipant ce type de catastrophe.
Pourtant, un récit climatosceptique a été diffusé et relayé pendant et après les incendies, tentant de les faire passer pour une vague de pyromanie, en manipulant les chiffres, et rejetant même la faute sur le militantisme écologique. Une version défendue par Scott Morisson, premier ministre australien climatosceptique, et relayée à travers le monde par des médias importants tels que Fox News. Rapidement, la désinformation est également en place sur les réseaux sociaux, selon une mécanique qui rappelle l’élection américaine de 2016 : de nombreux profils, parfois suspectés d’être des bots, divulguent le message provocateur. Les sites complotistes prennent le relai, inscrivant durablement cette contre-vérité dans l’opinion publique.
Ce mécanisme de désinformation est désormais courant. On peut citer, entre autres, la crise sanitaire, le réchauffement climatique, ou encore l’assaut du capitole il y a un an, qui avait révélé aux yeux de tous l’importance du complotisme sur le territoire américain.
Une réécriture des faits
D’une manière générale, une théorie du complot se veut version alternative d’un fait, réfutant la version dite « officielle ». Simplificatrice, faisant appel à des émotions telles que la peur plutôt qu’à une réflexion rationnelle, cette théorie dénonce une minorité puissante qui agit secrètement pour ses ambitions personnelles. Lorsque l’on évoque des théories comme celle de la terre plate / creuse / concave ou des chemtrails, les complotistes passent tout au plus pour des illuminés. Mais lorsque celles-ci concernent des sujets d’actualités ou des problématiques sociétales, le débat public se dégrade rapidement.
De là, plusieurs stratégies interviennent pour nier le réchauffement climatique. Une « fabrique de l’ignorance », similaire aux méthodes de l’industrie du tabac, tente de produire des études « scientifiques » orientées, à des fins de lobbying en faveur des entreprises qui tirent profit de l’exploitation des énergies fossiles. Des « fake news » sont relayées afin de diviser les opinions, n’ayant pas peur d’affirmer sans preuves, par exemple, l’avènement prochain d’une « tyrannie verte » qui imposerait des confinements climatiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Enfin, une nouvelle stratégie tend à accepter le réchauffement climatique, mais défendant que l’Homme s’adaptera sans mal, minimisant les conséquences de ce réchauffement.
Le rôle des réseaux sociaux
Ces théories conspirationnistes sont encouragées par différents facteurs de natures diverses. En premier lieu, il est important de mentionner les réseaux sociaux, qui confortent le discours complotiste dans une réalité quasi-parallèle : par les algorithmes de recommandation, de mise en avant du contenu et des profils, une personne qui est sensible à ces sujets et les aura consultés ne se verra progressivement plus proposer que ce type de contenu. A terme, cette réalité artificielle aura pour effet de saboter toute discussion avec l’extérieur, incitant d’autant plus les complotistes à n’interagir qu’entre eux. Les réseaux sociaux sont également, avec certains médias, le meilleur moyen pour les personnalités publiques de répandre sans filtre de fausses informations. On pense immédiatement à Trump et ses remarques pleines de bon sens à propos de l’écologie, à Bolsonaro et ses proches qui décrivent le changement climatique comme « une tactique de la gauche », ou à un Florian Philippot en roue libre qui avait récemment dénoncé le fameux « confinement climatique ». Enfin, et ce facteur n’est pas des moindres, le mot « complotiste » est régulièrement brandi à tort pour discréditer un discours, démocratisant le terme, cristallisant les oppositions et décomplexant les stratèges de cette désinformation.
Des méthodes employées par les extrêmes
Face à ce constat, il est intéressant de noter que le complotisme est présent dans tous les milieux, catégories d’âge et socio-professionnelles. En ce qui concerne le réchauffement climatique, il a même été montré que les conspirationnistes n’ont pas moins de connaissance que les autres : l’ignorance générale de la population sur le sujet pousse les gens à aligner leurs opinions sur celle de la mouvance politique à laquelle ils sont affiliés. En d’autres termes, le complotisme est l’arme de désinformation massive parfaite pour le populisme, permettant de contourner les discours scientifiques pour assener des vérités simplistes, créer des peurs irrationnelles et menacer une démocratie piégée entre la liberté d’expression qu’elle défend et ce flot de fausses informations trop important pour être vérifié. Tout aussi ridicule ou ignorant que le complotisme puisse paraitre, il doit donc être pris au sérieux, car il est fort probable que ce phénomène s’installe durablement dans le débat public.
Pour aller plus loin :
Sources :
Wikipédia – Feux de brousse de 2019-2020 en Australie
Conspiracy Watch – [PODCAST] Assaut du Capitole : un an après, quid du complotisme aux États-Unis ?
Conspiracy Watch – [PODCAST] COP26, réchauffement : les théories du complot autour du climat
Conspiracy Watch – Quand le complotisme alimente le réchauffement climatique
L’Express – Pourquoi le climatoscepticisme gagne du terrain sur Facebook
Image d’article : photo de Markus Winkler pour Unsplash
J’adore quand sa parle de complotisme