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20 Janvier 2021 : La taxonomie encore et toujours… terminons cette série d’articles par l’avis du spécialiste Jean-Marc JANCOVICI questionné par la presse écrite sur le sujet la semaine dernière. Fil conducteur : la place du nucléaire d’ici 2050.

 

Jean-Marc JANCOVICI est un polytechnicien dont la voix porte : membre du haut conseil pour le climat, président du Shift Project, il est pleinement investi dans l’Ecologie politique et défend notamment l’idée de la décroissance.

Il décrit la taxonomie comme une tentative pour mettre à disposition du monde financier des éléments d’analyse clairs et simples sur la nature de leurs investissements.

Le trompe l’œil de la décarbonation

Attention cependant à l’angle pris pour considérer le sujet de la décarbonation.

Sur le marché automobile par exemple, construire une usine de véhicules électriques se substituant aux véhicules thermiques peut permettre de réduire les émissions de CO2 en Europe.

Cependant si cette même usine est construite en Chine et a pour conséquence d’ajouter des véhicules électriques au parc existant, alors on comprend bien que le résultat sur un plan environnemental est inverse.

Financièrement trop contraignant, la Commission Européenne n’a pas souhaité que chaque investissement soit analysé selon cet angle.

L’étiquetage vert

L’option retenue est de relier une activité à son secteur qui sera lui-même catégorisé dans sa globalité durable ou pas.

MR JANCOVICI pointe ici la limite manifeste : le « vert » des objets ne pourra pas être décrypté par le prisme de la taxonomie.

Le secteur énergétique est entièrement couvert mais là encore l’ensemble des ENR [1] a le même statut vert, sans distinction. Cela ne laisse donc pas la place à la comparaison entre l’éolien, le solaire ou le nucléaire. Or, les cycles de vie des produits différent selon l’énergie retenue.

Le cas du nucléaire

Mr JANCOVICI rappelle tout d’abord que la taxonomie a pour vocation de porter les secteurs d’activité qui améliorent l’indicateur de CO2 sans porter préjudice par ailleurs à d’autres indicateurs environnementaux et humains.

Or si le secteur du nucléaire a finalement été inclus comme une source de financement durable, cela signifie que seul le fait scientifique (la fission nucléaire ne produit pas de CO2) a été retenu.

Il évoque bien évidemment les déchets mais confirme que selon lui à horizon 2050, le nucléaire s’inscrit bien comme une énergie de transition.

Quant aux énergies renouvelables, il met en garde sur l’idée de leur prix qui devrait encore baisser pour devenir de plus en plus compétitif. Ce serait oublier qu’elles sont dépendantes de matières possiblement en pénuries et des énergies fossiles pour les produire et les transporter…

Le journaliste lui demande sa position sur le parc nucléaire français.

Continent européen neutre en carbone en 2050 dans le viseur

MR JANCOVICI recentre l’enjeu principal de l’accord de Paris : la neutralité carbone en Europe en 2050. Pour y parvenir, l’économie doit se contracter pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre.

Si on inclut le fait que le progrès technique sera insuffisant pour l’atteinte de ces objectifs, alors « les différents scénarios établis par RTE offrent une conclusion assez simple : moins on fait de nucléaire et plus on se complique la vie. »

Action/réaction, réacteurs ?

Il poursuit par rappeler l’urgence de la situation : « la seule question est de savoir si nous faisons tout de suite un énorme effort de sobriété, ou si nous attendons que les pénuries et les pathologies régulent le système pour nous ».

Quant à la proposition du président français d’investir dans les petits réacteurs nucléaires, l’ingénieur préfère relancer le débat sur les compétences à prolonger la durée de vie du parc existant, en n’hésitant pas à aller chercher de l’aide extérieure si nécessaire.

« Attendre apporte du risque »

Il en profite pour dénoncer le fait que les états européens construisent leur plan de transition énergétique de manière indépendante en espérant bien profiter le cas échéant des richesses et stocks des pays tiers….

Black out électrique : risque majeur

Le risque de manquer d’électricité pour couvrir des besoins grandissants est bien réel et peut avoir comme effet rebond de désorganiser nos sociétés actuelles.

MR JANCOVICI reprend l’exemple du nucléaire pour essayer de limiter cette instabilité.

Enfin, il conclut par refuser de parler du prix de l’électricité comme risque de perte de compétitivité des entreprises.

Le combat est ailleurs….

Brigitte COLLIN MS APTE ( Acteur pour la Transition Energétique)

Source : Une interview sur le site du JDD sur la taxonomie européenne – Jean-Marc Jancovici

[1] ENR : Energies Renouvelables

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