La crise climatique va multiplier les déplacements de population, en particulier depuis les pays en développement

 

Le réchauffement climatique, assorti à un effondrement de la biodiversité, fait peser un ensemble de risques sur l’organisation de nos sociétés. Dans certaines régions du monde, l’accès à la nourriture se complexifie et les catastrophes climatiques vont devenir tellement intenses que de nombreuses zones seront invivables. À titre d’exemple, selon la Nasa, le sud de l’Asie, extrêmement peuplé, et le golfe persique (Iran, Oman, Koweït) devraient devenir partiellement inhabitables d’ici 20501. Ce phénomène touchera aussi les pays riches : certains états américains tels que l’Arkansas et le Missouri atteindront des températures insupportables pour le corps humain d’ici 2070. Face aux bouleversements à venir, les populations locales devront quitter leur région pour assurer leur survie. Ce constat résulte d’un changement que nous observons depuis plusieurs années désormais : le réchauffement climatique n’est plus une notion vague, il ne constitue plus seulement un futur angoissant. Ses effets menacent désormais directement la survie de centaines de millions d’êtres humains à travers le monde.

Ce dérèglement climatique, à travers la sécheresse et la famine, impacte en premier lieu les pays en développement qui n’ont pas toujours les ressources pour s’adapter. Selon Oxfam, dans les dix pays les plus sensibles aux risques climatiques, tels que la Somalie, le Burkina Faso ou le Guatemala, la faim extrême a plus que doublé en six ans2. Dans certaines régions, la désertification des cultures est couplée à des conflits armés, comme c’est le cas du Niger, où la faim aiguë a été multipliée par plus de 8 depuis 2016.

 

La responsabilité historique des pays développés dans le dérèglement climatique

 

Historiquement, les pays développés sont bien sûr ceux qui ont le plus participé au réchauffement du climat. Entre 1850 et 2019, ils ont représenté 45% des émissions de CO2 mondiales3. À l’heure actuelle, le constat est plus nuancé : la Chine représente à elle seule 27% des émissions de CO2 contre « seulement » 22% pour l’ensemble des pays développés. En termes d’émissions par habitant, la Chine conserve cependant un niveau inférieur à celui des États-Unis ou de l’Australie.

Face à ce bilan, bon nombre de pays émergents revendiquent leur droit au développement. Comment admettre que certains pays soient condamnés à la pauvreté, induite notamment par l’impossibilité d’exploiter leurs ressources fossiles, à cause de pays développés qui ont misé leur expansion sur le réchauffement climatique pendant des décennies ? Cette question a été un des enjeux brûlants de la COP 27, organisée sur le continent africain. Selon l’ancien premier ministre du Niger, Ibrahim Mayaki, « si les pays industrialisés ne veulent pas que nous exploitions nos énergies fossiles au nom de la protection du climat, il faut trouver une façon de compenser ce manque »4. La compensation monétaire ici demandée pourrait ouvrir le débat sur une solidarité internationale plus large, visant à soutenir tous les pays les plus affectés par le réchauffement climatique.

 

Un projet de coopération international face aux effets du dérèglement climatique est une nécessité

 

À rebours de cet objectif, les sociétés occidentales semblent toujours plus hostiles à l’accueil des réfugiés, climatiques ou non. Bon nombre de représentants politiques fondent même leur programme politique sur ce rejet. Pourtant, à l’heure actuelle, ce sont les pays voisins, majoritairement des pays en développement, qui assument la plus grande charge de l’accueil des réfugiés. Depuis le début de la guerre civile syrienne par exemple, la Turquie, le Liban, la Jordanie et l’Irak ont accueilli 85% des exilés (5,6 millions sur 6,6 millions)5.

La crise des « gilets jaunes » a fait prendre conscience à la société française qu’une transition écologique sans justice sociale est un mirage. Il n’est pas acceptable de prendre des mesures qui préservent l’environnement au détriment des populations les plus précaires. Il est désormais temps d’étendre ce constat à la planète entière : la conservation d’une planète habitable dépendra de la capacité de tous les pays à coopérer. Une solidarité internationale reste à construire pour que l’intégration des réfugiés soit justement répartie entre tous les pays et qu’elle cesse d’être un perpétuel objet d’instrumentalisation politique.

 

1 https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/rechauffement-climatique-voici-regions-vont-devenir-inhabitables-2050-selon-nasa-97432/

2 https://www.oxfamfrance.org/communiques-de-presse/les-pays-les-plus-vulnerables-au-changement-climatique-gravement-touches-par-la-faim/

3 https://www.youtube.com/watch?v=GVJRZqI6h2k

4 https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/11/23/cop27-le-continent-africain-decu-par-le-bilan-d-une-conference-climat-organise-sur-son-sol_6151249_3212.html
5 https://www.unhcr.org/fr/urgence-en-syrie.html

4 réponses
  1. AUBIN Jean-Philippe
    AUBIN Jean-Philippe dit :

    Bravo Romain pour cette fine analyse. J’ose espérer que la coopération internationale dans l’accueil des réfugiés climatiques va se parfaire.
    Quelles seraient, selon toi, les principales mesures à mettre en place d’ici les cinq prochaines années ?
    Merci pour ta réponse qui, j’en suis sûr, m’apportera beaucoup !

    Répondre
    • BRAUN Romain
      BRAUN Romain dit :

      Jean-Philippe,

      Je te remercie grandement pour ton commentaire. Je suis ravi que tu souhaites en savoir plus sur le sujet et que tu te poses des questions sur l’évolution future de la situation. En réalité, nous pouvons tous contribuer à améliorer cette situation. Comme spécifié au cours de l’article, ce réchauffement va obliger des centaines de millions de personnes à quitter leur foyer dans les prochaines décennies.

      À ton échelle personnelle, tu peux bien sûr réduire ton impact sur l’environnement afin de lutter contre le réchauffement climatique (changement dans tes habitudes alimentaires, dans les moyens de transport que tu utilises, dans la rénovation de ton habitat…). Je sais que tu es déjà très engagé sur cette question, pour ne pas dire pionnier, donc je pense ne rien t’apprendre.

      À l’échelle collective, je te conseille de t’engager au sein de différentes associations qui défendent le droit des réfugiés. Tu peux par exemple choisir de t’engager au sein d’une organisation spécialisée (telle qu’Utopia 56) qui lutte au quotidien pour un accueil digne. Je te conseille également de te renseigner sur l’implantation d’associations d’aide alimentaire près de chez toi, de type Secours Populaire. Cette association est assez engagés sur ces questions et l’aide alimentaire permet bien sûr d’améliorer le quotidien des exilés.

      Au niveau international, notre possibilité d’action est plus réduite, malheureusement. Il est cependant possible de faire infuser cette question dans le débat public pour convaincre nos dirigeants de la nécessité de la saisir à bras le corps. C’est le sens de la coopération internationale que j’ai présenté dans cet article : si plusieurs dirigeants de grandes puissances mondiales s’engageaient frontalement sur ces questions, le monde entier suivrait cette initiative.

      Merci encore et au plaisir de te lire à nouveau,

      Romain

      Répondre
  2. ROUSSEAU Leopold
    ROUSSEAU Leopold dit :

    Cher Romain,
    Je tiens tout d’abord à vous féliciter chaleureusement pour cet excellent article sur les réfugiés climatiques. Votre travail est vraiment remarquable et j’ai été profondément touché par votre récit poignant et émouvant.

    Vous avez su aborder un sujet complexe et délicat avec une grande sensibilité et une réelle éthique journalistique. Votre talent d’écriture et votre capacité à dépeindre les différentes réalités et émotions des personnes concernées sont tout simplement admirables.

    J’espère que votre article saura sensibiliser et éveiller les consciences de nombreuses personnes. Vous êtes un véritable professionnel et je ne tarirai pas d’éloges sur votre travail.

    Répondre
    • BRAUN Romain
      BRAUN Romain dit :

      Cher Léopold,

      Merci beaucoup pour ton commentaire. Je suis ravi que tu aies été touché par mon article et j’espère t’avoir éclairé sur certains points précis de la situation des réfugiés climatiques. La vie de ces réfugiés est bien souvent extrêmement difficile et je suis convaincu qu’avec une solidarité plus large nous pouvons contribuer à améliorer leur quotidien.

      Bien que je ne sois pas journaliste, je me suis attaché à dépeindre mes connaissances personnelles, notamment grâce à un stage que j’ai réalisé au contact de réfugié à Athènes. Si tu es intéressé par la question migratoire, je te conseille le roman graphique « L’Odysée d’Hakim » qui décrit avec précision et humanité le voyage d’un réfugié syrien, ayant dû fuir la Syrie après la guerre civile pour finalement atteindre le sud de la France.

      Au plaisir de te lire à nouveau,

      Répondre

Laisser un commentaire

Participez-vous à la discussion?
N'hésitez pas à contribuer!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *