Dans un contexte de nécessité de sortir des énergies fossiles, la dépendance à la voiture individuelle et plus particulièrement l’autosolisme apparaissent comme un véritable casse-tête, particulièrement en zone rurale. En effet, depuis des décennies, l’aménagement du territoire, la démocratisation de la voiture et l’augmentation du prix de l’immobilier en ville sont autant de raisons qui ont impulsé ce phénomène. Aujourd’hui, il est nécessaire de changer l’imaginaire collectif et de lever les freins à la proposition de nouvelles formes mobilités.
La bonne équation pour comprendre les enjeux de la mobilité
L’impact écologique d’un trajet dépend de 3 variables :
- La distance parcourue
- Le mode de transport
- La fréquence du trajet
Or, on a tendance à réduire le problème de la mobilité au mode de transport : c’est le fameux “il faut passer au vélo”. Cela est en réalité impossible dans la majorité des cas, d’autant plus à la campagne, au vu du manque d’infrastructure et surtout de la distance croissante des trajets du quotidien. Par exemple, la distance domicile-travail a augmenté pour atteindre une moyenne de plus de 13 km (contre environ 3 dans les années 60). C’est pourquoi, dans les zones rurales, pour pouvoir réduire l’impact écologique de la mobilité et basculer sur des modes de transports plus doux, il faut d’abord s’attaquer aux autres variables que sont la fréquence et la distance.
Des pistes pour réduire les distances parcourues
1) Réduire les distances domicile-travail
Le trajet Domicile-travail est l’un des principaux leviers pour décarboner la mobilité. Pour cela, les entreprises ont un rôle à jouer : miser sur un recrutement local et des échanges de postes entre les groupes multisites permet de réduire cette distance. La régulation est un bon moyen d’amener les entreprises à réduire les émissions liées à leur Scope 3, qui comprend les mobilités des salariés et des clients.
2) Renouer avec le modèle des bassins de vie
Le modèle des bassins de vie consiste à regrouper tous les services publics et commerciaux utiles au quotidien dans la même zone géographique. Il a été la norme pendant très longtemps avant de laisser place à une organisation fragmentée du territoire. On vit au village, mais on travaille dans le centre-ville et on va faire ses courses dans la zone commerciale périphérique. Ce mode de vie, qui est devenu celui de beaucoup de ruraux, induit des trajets nombreux et inévitables. Redévelopper une partie de l’offre de biens et de services dans les zones rurales est un bon moyen de réduire les distances parcourues par les habitants de ces zones. Et en plus, cela est bénéfique pour l’économie locale et est vecteur de lien social.
Des trajets moins fréquents : sortir de l’hypermobilité
3) Le télétravail
Travailler depuis la maison certains jours de la semaine est un moyen de réduire la mobilité. Cette solution a en plus le mérite d’être peu coûteuse et très facile à mettre en place. Elle permet au salarié comme à l’entreprise de faire des économies et permet de favoriser l’émergence du modèle des bassins de vie en augmentant la fréquentation journalière des zones rurales. Cependant, il faut savoir anticiper les effets rebonds de cette solution et garder en tête que bon nombre d’employés de terrain ne sont pas éligibles au télétravail.
4) Réduire les trajets en voiture liés à la pause méridienne
Souvent oubliée de la réflexion, les trajets liés à la pause méridienne sont pourtant symptomatiques de la société de l’hypermobilité. Aller chercher ses enfants à l’école au lieu de les laisser à la cantine, rentrer du boulot entre midi et deux, et bien ça fait directement quatre trajets quotidiens plutôt que deux… Il faut fournir des incitations aux individus pour l’éviter : une pause déjeuner plus courte (et une journée de travail qui finit plus tôt !), une offre déjeuner attrayante dans les écoles et les entreprises sont autant de solutions.
5) Distribution mutualisée des achats
Le système de distribution des achats à domicile (par tournées, ou collaborative) représente un potentiel de réduction des émissions non négligeable. Il suppose de changer totalement de modèle : ce ne sont plus les habitants qui viennent au supermarché, mais les courses du quotidien qui « viennent » au village par tournées ou distribution collaborative par exemple. A première vue, cela semble cher et difficile à mettre en œuvre à court terme et représente un changement technique et culturel important. Cependant, les limites du système alimentaire actuel sont de plus en plus tangibles. Basculer sur un tel modèle est une opportunité de changer notre manière de consommer pour tendre vers plus de soutenabilité et de souveraineté alimentaire à l’échelle d’un territoire.
Diversification des modes de transports
6) Développer la mobilité partagée et augmenter le taux de remplissage des voitures
Près de 80 % du territoire français ne dispose d’aucune solution pour les transports quotidiens, et évidemment ce désert se concentre dans les zones rurales. La plupart des trajets en voiture se font seuls, augmenter le taux de remplissage des véhicules est déjà une première piste pour réduire l’impact de ces trajets. Autopartage et covoiturage sont les pistes privilégiées par la Loi d’Orientation des Mobilités. Si le covoiturage est désormais populaire en longue distance, il est nécessaire de lever les freins à l’implémentation concrète du covoit’ courte distance. Des efforts sont à faire de la part des collectivités, des individus et des entreprises. Des plateformes digitales adaptées peuvent être d’une grande aide pour faciliter la facturation et l’organisation des trajets, il faut également des outils pour aménager les horaires des personnes pouvant covoiturer.
7) Le vélo en zone rurale, c’est possible !
Au sein de l’intercommunalité ou en lien avec les communes alentours, on prend des mesures pour le développer. Le développement du vélo électrique représente une opportunité importante pour les zones rurales puisqu’il rend le vélo envisageable sur de plus longues distances : il permet de parcourir plus de 12 km en 30 min. Évidemment, cela suppose de développer les infrastructures adaptées : pistes cyclables, voies vertes et parkings sécurisés. Le vélo est aussi clé pour développer l’intermodalité et peut permettre l’accès à des hubs de transport en commun : on peut se rendre en quelques minutes au village d’à côté qui dispose d’une gare par exemple.
8) Décourager l’usage de la voiture individelle (en dernier lieu !)
Cette mesure doit venir en dernier lieu, après avoir déployé des plans de mobilités optimaux et proposé une offre efficiente de solutions alternatives aux individus. Mais on peut imaginer que, même avec ce plan de mobilité optimale, les incitations ne suffisent pas à sortir les individus du prisme de la voiture individuelle tant l’imaginaire collectif est fort autour de cette idée. Ainsi, un découragement pourrait venir en complément. On peut envisager notamment une réduction des limitations de vitesse qui est aussi une mesure qui engendre une réduction immédiate des émissions de GES.
Sources :
Rapport du Shit Project “DÉCARBONER LA MOBILITÉ DANS LES ZONES DE MOYENNE DENSITÉ” (2017)
L’enquête nationale « Mobilité des personnes » (2021)
Fiche ADEME « Imaginer d’autres modes de transport en milieu rural et périurbain » (2021)
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