influenceurs

Les réseaux sociaux et les influenceurs occupent une place croissante dans nos habitudes de consommation, particulièrement chez les plus jeunes. On désigne par “influenceurs” des personnalités qui influencent les opinions et les consommations des individus à travers la création de contenu sur les médias sociaux. 

 

Avec cette définition, on s’imagine bien le stéréotype de l’influenceur richissime qui s’inscrit parfaitement dans la société de consommation et du divertissement. Il créé du contenu extravagant, voyage énormément, et assomme les internautes à coup de codes promo et de partenariats rémunérés, la plupart du temps avec des marques peu éthiques.

Cependant, si on s’intéresse à la liste des influenceurs les plus suivis en France en 2023, on comprend que ce stéréotype s’approche finalement de la réalité du monde de l’influence aujourd’hui :

1. Squeezie – 43,4 millions abonnés

2. Cyprien – 34,8 millions abonnés

3. Norman Thavaud – 30,9 millions abonnés

4. Léa Elui – 30,1 millions abonnés

5. Mister V – 26,1 millions abonnés

 

Le premier de la liste, Squeezie, est à la fois le plus à la fois le plus gros steamer et youtubeur français. Il propose des vidéos let’s play, des clips musicaux et des vidéos réactions. Ces vidéos peuvent atteindre plusieurs millions d’euros de budget, avec des budgets carbone tout aussi extravagant. 

Il a organisé le GP Explorer, une course de Formule 4 inter youtubeurs à propos de laquelle il a assumé l’important impact écologique avant de déclarer :  « J’espère qu’on fera des courses plus écolos la prochaine fois », plaçant avec ce propos la problématique écologique au second plan en faveur du divertissement. Également youtubeur et rappeur, Mister V prône aussi un mode de vie ostentatoire américanisé dans ses clips : baskets dernier cri et voitures de luxe. Pour les deux autres youtubeurs du top 5, on peut aussi constater que l’écologie est absente de leurs contenus. Cyprien est un globe trotteur qui multiplie les trajets en avion pour servir son activité liée à l’influence. Quant à Léa Elui, la seule femme du classement, elle s’inscrit parfaitement dans la dynamique de l’hyper consommation, particulièrement dans la mode, en faisant l’éloge de marques de fast fashion comme de marques de luxe.

La perpétuation de l’imaginaire de l’hyper consommation

 

On sait déjà que les classes les plus aisés ont une grande responsabilité dans le changement climatique : les 10 % les plus riches sont responsables de 48 % des émissions globales (Oxfam, 2015). Ce mode de vie consumériste des influenceurs montre bien quels sont les enjeux qui se cachent derrière ce chiffre, et pourquoi la justice sociale et la lutte contre le changement climatique sont des combats à mener de concert. Avec cette dynamique de consommation qui vise à posséder et à se déplacer toujours, on s’éloigne inévitablement d’une réduction de l’empreinte carbone à 2T Co2e par personne, conforme à l’objectif de neutralité en 2050.

Mais la responsabilité des influenceurs va bien au-delà de leur empreinte carbone personnelle, car en communiquant sur ces valeurs et ces modes de vie, ils entraînent dans cette dynamique tout un pan de la population. On peut penser d’abord aux plus jeunes, dont les choix de consommation sont cruciaux pour l’avenir de la planète. Ils véhiculent l’idée que consommer et accumuler sont des signes de réussite sociale, voire la clé du bonheur. Si des personnes connues et admirées montrent pouvoir s’affranchir totalement de cette “contrainte écologique”, l’inaction climatique devient socialement acceptable.

On peut citer l’exemple de la marque de fast fashion Shein, qui a inondé le marché grâce à ses partenariats massifs tissés avec des influenceurs. Aujourd’hui, la marque est responsable de 22 % des émissions de CO2 des adolescentes françaises (Pixpay, 2022).

D’ailleurs, le GIEC lui-même met en lumière cette responsabilité des influenceurs dans son dernier rapport

«Les influenceurs sociaux et les leaders d’opinion peuvent favoriser l’adoption de technologies, de comportements et de modes de vie à faible émission de carbone».

Une pression des internautes qui met les influenceurs face à leur responsabilité

 

Cependant, on observe une vague croissant de contestation parmi les internautes. Des commentaires négatifs sous des posts au contenu anti-écologie : “haul” de fast-fashion, dressing rempli, photos en jet privé ou dans un aéroport. 

Cette dynamique va jusqu’à faire évoluer, malgré eux, certains infleunceurs. Marine LB une youtubeuse habituée aux partenariats avec des marques de fast fashion déclare avoir arrêter ses vidéos « haul » (ouverture de colis, le plus souvent de vêtement, en vidéo). “Je sais que ça vous manque mais ce n’est plus possible de faire des hauls sans que tous les commentaires soient contre la fast fashion, ce que je comprends”, déclare-t-elle dans une vidéo ou elle teste la mode de seconde main. Elle avoue paradoxalement ne pas avoir cessé de collaborer avec de telles marques…

 

L’émergence du collectif Paye ton Influence illustre bien cette contestation croissante, sur les réseaux sociaux, ils épinglent les influenceurs et les appellent à utiliser leur influence à des fins plus vertueuses :

“Nous les appelons à accompagner leur audience vers de nouveaux paradigmes où la surconsommation et l’ensemble des comportements délétères pour le climat ne soient plus vus comme la norme”.

 

Même si une réelle dynamique se créé autour de l’influence responsable, on est malheureusement encore loin de ce “changement de paradigme”. 

L’émergence des influenceurs responsables : un phénomène croissant, mais encore marginal

 

Certains influenceurs ont choisi de prendre ce virage. C’est le cas d’EnoyPhoenix, youtubeuse au 3,7 millions d’abonnés, qui a été durant longtemps l’incarnation de la surconsommation. En 2019, elle poste une vidéo virale ou elle demande aux marques avec qui elle collabore d’arrêter de lui envoyer des produits, dénonçant le non-sens écologique des pratiques des marques : 

“Je n’ai qu’une vie, je n’ai qu’une peau, je n’ai qu’un visage, je n’ai qu’un corps et que je ne peux pas tester tous les produits qu’on m’envoie“

 

Elle dénonce les quantités faramineuses de produits reçus à chaque jour. Pour promouvoir la sortie d’un fond de teint, une marque a envoyé à l’influenceuse les 40 teintes de ce même fond de teint. En faisant évoluer son contenu vers ses nouvelles valeurs, l’influenceuse a connu un déclin de son taux d’engagement et de ses revenus, les marques responsables disposant de moins de moyens pour financer les influenceurs. En 2023, elle déclarera que devenir une influenceuse responsable, c’est avant tout accepter de gagner moins d’argent.

 

On peut citer d’autres influenceurs à succès, utilisant leur contenu pour véhiculer des messages conformes à leurs valeurs : Claravictorya et Zoehtq sont des ambassadrices de la mode responsable. Pour le moment, ce créneau reste une « niche » pour les influenceurs, et est surtout moins attractif financièrement : ils sont peu à dépasser les 100k abonnés et aucun d’entre eux ne figurent dans le classement des influenceurs les plus suivis.

0 réponses

Laisser un commentaire

Participez-vous à la discussion?
N'hésitez pas à contribuer!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *