En 2017, l’État français s’engage à parvenir à la neutralité carbone d’ici à 2050. Si les leviers étatiques sont puissants, l’atteinte des objectifs de neutralité carbone ne peut se faire sans la participation des collectivités territoriales. Au-delà d’une condition sine qua non, cette participation est aussi une opportunité nationale.
Les collectivités territoriales au centre de la maitrise de l’énergie : malgré elles
La décentralisation des compétences énergétiques place les régions et les intercommunalités en tête de la planification de la maitrise de l’énergie. Les lois Grenelle de la fin des années 2000 demandent aux services déconcentrés de l’Etat et aux conseils régionaux d’élaborer les Plans Régionaux Climat Air Energie et aux intercommunalités d’élaborer leur Plan Climat Air Energie Territorial. Malgré le calendrier resserré dans lequel s’effectuent ces plans et le peu de coconstruction, les régions et les intercommunalités deviennent des acteurs incontournables de la transition énergétique (Nessi, 2022). Néanmoins, les injonctions normatives ou légales de l’état, dont la vision encore centralisée de la production d’énergie, aboutit à de nombreuses contradictions dans ces demandes. Les intercommunalités rencontrent ainsi des difficultés à s’approprier ces nouvelles compétences pour en faire de réelles priorités politiques (2022).
Maillon essentiel de la chaîne démocratique
Les intercommunalités constituent également un maillon essentiel entre les politiques nationales et leur application sur les territoires. Elles sont les véritables chevilles ouvrières du processus. En prise directe avec leur population, elles ont une compréhension qualitative des attentes et difficultés des administrés. Elles constituent par ailleurs un formidable outil d’animation du débat public local. Elles sont dès lors garantes de l’émergence de projets de transition et de leur acceptabilité.
Des collectivités aux enjeux variées
Ces collectivités locales sont néanmoins extrêmement variées dans leurs responsabilités, leurs ressources et leurs capacités d’action. Au sein des Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI), les enjeux sont divers, correspondants à leurs caractéristiques propres. Les territoires ruraux doivent notamment se préoccuper des enjeux socioéconomiques et environnementaux de l’artificialisation des sols lorsque les territoires littoraux doivent faire face à une pression accrue sur les ressources naturelles.
Aux ressources inégales
De la même manière, les ressources pour faire face à ces enjeux de transition spécifiques sont très inégales. Les communes rurales dans une situation socioéconomique dégradée ne peuvent pas compter sur les mêmes ressources financières ou humaines que les métropoles qui attirent investisseurs et compétences. Au-delà de ces difficultés financières, selon Simonet et Leseur, ces collectivités doivent également faire face à des barrières importantes de gouvernance et de connaissance des sujets.
Mais aux richesses essentielles
Ces territoires possèdent néanmoins d’autres ressources : fondamentaux pour l’atteinte de la neutralité nationale.
La surface est en premier lieu un facteur clef pour la production d’énergies renouvelables. (Mazaud & Pierre, 2019). Pour implanter des fermes solaires ou éoliennes, la disponibilité de sol est déterminante.
Leurs sols non artificialisés et nourriciers
Ces collectivités possèdent un second atout majeur : leurs forêts et sols non artificialisés. Ces derniers jouent un rôle essentiel de captation de carbone, mais aussi d’approvisionnement de bois d’œuvre et de bois énergie.
Enfin, les espaces de production agricole permettent de nourrir les villes, réduisant la dépendance alimentaire nationale. S’ils peuvent être émissifs, sous certaines conditions d’exploitation, ils permettent de réduire l’empreinte carbone nationale.
Les territoires ruraux jouent ainsi un rôle important dans la transition énergétique. Ils doivent nécessairement être impliqués, écoutés pour jouer le rôle majeur dans l’atteinte de l’objectif national de neutralité carbone. Si le territoire national doit être neutre en carbone, c’est à ces territoires qu’il revient d’être positif, pour compenser les métropoles, intrinsèquement émissives.
Pour une coopération carbone gagnant/gagnant
Métropoles développées, mais émissives, territoires ruraux en déclassement socio-économique, mais aux ressources primordiales, n’est-il pas temps d’imaginer une coopération carbone entre ces entités ?
Celle-ci permettrait aux villes d’atténuer leurs émissions de GES et permettrait aux territoires ruraux de se redynamiser pour jouer pleinement leur rôle qui est attendu dans les années à venir. Ainsi dynamiques, ils offraient de surcroit des espaces résilients face aux aléas à venir.
Mazaud, C., & Pierre, G. (2019). Un territoire rural dans la transition énergétique : Entre démarche participative et intérêts particuliers. Lien social et Politiques, 82, 118‑138. https://doi.org/10.7202/1061879ar
Nessi, H. (2022). La territorialisation de la transition énergétique : Les paradoxes de la surenchère des normes et de la réglementation. Territoire en mouvement, 55. https://doi.org/10.4000/tem.8480
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